Rain Trail
Reflexionibus obumbratio
« Ma vitre est un jardin de givre. Ah ! comme la neige a neigé ! Qu’est-ce que le spasme de vivre A la douleur que j’ai ! Tous les étangs gisent gelés, Mon âme est noire ou vis-je ou vais-je Tous ses espoirs gisent gelés… Pleurez oiseaux de février, Au sinistre frisson des choses…» – Emile Nelligan
Cette série de photographies a été prise en février 2018, dans un bus à Valloire en Savoie, à travers une vitre, sous la pluie. Les paysages sont enneigés. La monochromie des tons, le traitement de bords noirs floutés, les coulures et rayures, les flous et déformations, donnent une vive impression de tristesse, de solitude et de fuite du temps qui passe. La nature miroitante et scintillante sur la vitre embuée (ainsi que notre regard) pleure toutes les larmes de la pluie. Le voile d’éclats de gouttes d’eau tels des diamants qui ruissellent en silence, parvient à dissoudre les formes dans une atmosphère éthérée. Par ce jeu du cadrage, des ombres et des clairs, de la netteté et du flou, la vitre marque à la fois un obstacle à notre regard et une transition, gomme la frontière entre l’intérieur et l’extérieur incertain et les fait coexister dans une belle variation. Les coulées de pluie évoquent aussi des traînées de peinture abstraites, et la surface de la vitre devient toile. Le ton est froid, gelé et sourd mais vivant. Dans cette tonalité fantastique et mélancolique, qui en appelle à l’imaginaire du spectateur, l’âme frissonne autour du silence intimiste de la rêverie et du recueillement.